La Section de séismologie de la Commission géologique du Canada à Ottawa est l'organisme responsable de la surveillance des tremblements de terre dans l'est du Canada. Elle doit donc se préparer à faire face aux besoins d'information des organisations de sécurité civile, des médias et du public avant et après un séisme d'intérêt public (appelé dans cet article "Le Grand Jour"). C'est ainsi que la Section de séismologie a défini une stratégie de communication qui vise d'abord à la positionner comme source officielle d'information de nature séismologique. De plus, lors du "Grand Jour", cette stratégie vise à utiliser la "popularité" médiatique soudaine des séismologues pour diffuser de l'information reliée à la sécurité civile. Le texte qui suit se veut un survol des idées directrices de ce plan.
A- Perception des séismes.
Dans l'est du Canada, les tremblements de terre importants se produisent à des intervalles allant jusqu'à plusieurs dizaines d'années (voir Lamontagne, 1991a pour une revue). Le public en général demeure donc peu informé sur les séismes et sur les mesures à prendre avant, pendant et après de tels événements. Lors du "Grand Jour", un séisme peut donc avoir un fort impact psycho-social, prolongeant ainsi la période de retour à la normale de la population. Cet impact aurait pu être amoindri par une meilleure connaissance des tremblements de terre et des mesures de mitigation de leurs effets. Les séismologues de la Section de séismologie ont donc un rôle important à jouer avant et après un séisme majeur, en communicant de l'information utile au public (Lamontagne et al.,; 1992).
B- Rôle des séismologues.
Lors de situations d'urgence, les séismologues de la Section de séismologie doivent devenir la source officielle de renseignements sur les séismes et ils doivent être reconnus comme tel tout au long de la période critique. De plus, grâce à leur notoriété médiatique, ils peuvent devenir une source d'information de sécurité publique privilégiée auprès du public. Ils doivent alors diriger l'attention du public vers des activités pouvant diminuer l'anxiété face aux séismes passés ou à venir. Naturellement, cette dernière fonction doit être remplie en accord avec les objectifs des groupes d'intervention locaux.
C- Stratégie de communication.
1) Avant un séisme majeur.
i) Les séismologues reconnaissent que la menace d'un séisme semble lointaine pour la population de l'est du Canada, sauf lors d'un séisme majeur faisant l'objet de couverture médiatique. Avant "Le Grand Jour", il est donc illusoire de penser que les gens prendront des mesures pour se prémunir des séismes (cela s'est constaté même en Californie!). Les tremblements de terre mineurs constituent cependant une occasion idéale pour informer le public des mesures individuelles à suivre. On capitalise sur le moment où l'intérêt du public a été éveillé. Lors d'entrevues médiatiques, on essaie aussi de communiquer des numéros de téléphone pour ceux qui voudraient en savoir plus. Du côté des médias, les petits séismes aident aussi à se faire connaître. Nous avons souvent remarqué que les médias qui nous ont contacté dans le passé, peuvent garder nos coordonnées en note pendant des années! Les séismologues ont donc tout intérêt à se faire connaître avant "Le Grand Jour". En 1996, une carte-affiche indiquant des numéros de téléphone à composer en tout temps fut envoyée à tous les médias de l'est du Canada. Cette initiative nous a permis de nous faire connaître auprès des médias (qui ne savaient pas toujours qui contacter lors d'un séisme).
ii) Pour diffuser l'information de façon plus efficace, la Section de séismologie a préparé du matériel de vulgarisation. Une liste de 12 questions/réponses sur les séismes fut créée (disponible sur notre site web, http://seismo.nrcan.gc.ca/). On demande aussi aux membres de la section de présenter au moins une conférence par année dans une école secondaire pour qu'ils s'exercent à présenter l'information de façon claire et concise, en évitant le jargon scientifique. Les séismologues ont suivi des cours d'introduction aux entrevues médiatiques et de communication de risque. Finalement, des contacts plus étroits sont maintenus avec les organismes de Sécurité civile.
iii) La Section de séismologie s'est engagée dans un processus de mise à jour continue de sa procédure d'urgence. Lorsqu'un tremblement de terre de magnitude 4,0 ou plus survient au Québec, l'information sur le séisme est communiquée aux organismes de sécurité civile, tels que Protection civile Canada, Sécurité civile du Québec, Hydro-Québec, et la Sûreté du Québec. Elle est de plus distribuée à la Presse Canadienne et aux chercheurs universitaires qui t être contactés par les médias. Ces informations sont communiquées par téléphone, télécopieur, et de plus en plus, par courrier électronique. Notre site web est aussi mis à jour. Naturellement, de nombreuses entrevues médiatiques sont effectuées. Quelques jours plus tard, un debriefing est tenu pour examiner, et parfois corriger, le plan d'urgence de la Section.
2) Après un séisme majeur.
i) Quoique les médias nationaux génèrent une grande partie des demandes d'information, il ne faut surtout pas oublier les besoins spécifiques des populations locales (qui sont souvent encore sous le choc et craignent les secousses secondaires). On doit donc prendre le temps de s'adresser à ces publics et d'adapter le message à leurs besoins. Si un levé de terrain est effectué dans la région épicentrale, les séismologues doivent faire connaître leur disponibilité auprès des médias locaux et auprès des organismes d'intervention. Au Québec, les CLSC représentent un canal privilégié pour diffuser l'information auprès de la population locale. Il se pourrait que les séismologues aient à tenir des séances publiques d'information.
ii) On doit faire appel à des spécialistes des communications pour coordonner les actions, diriger les interventions, surveiller l'évolution de la situation, et procurer une rétroaction aux séismologues. Ces personnes connaissent le fonctionnement de la presse écrite et électronique et nous permettent de maximiser nos interventions. Ils peuvent également coordonner l'information aux autorités gouvernementales et faire le lien avec la sécurité vile.
iii) On doit détecter et opposer une voix officielle aux rumeurs non-fondées ou aux contradictions apparentes qui ne manquent pas de surgir après un sinistre. Un démenti officiel doit être émis le plus rapidement possible pour rectifier les faits.
iv) Les géoscientifiques et les personnes-ressources locales qui sont contactés par les médias doivent être informés des développements du levé de terrain. Dans certain cas, leurs connaissances sur les séismes peuvent être mises à jour pour leur permettre de participer pleinement à la diffusion de renseignements utiles. Idéalement, ils seraient intégrés à la stratégie de communication décrite ci-haut. Ces intervenants sont importants puisqu'ils permettent une continuité dans l'information publique, en particulier lorsque l'équipe de séismologues retourne à Ottawa à la fin du levé de terrain.
Conclusion.
En tant que sources officielles d'information de nature scientifique, les séismologues de la CGC ont un rôle important à jouer avant et pendant les situations d'urgence. Avant, ils peuvent créer un réseau de communication et d'information auprès des médias et des organismes de sécurité civile. Lors du "Grand Jour", ils sont les premières personnes contactées par les représentants des médias et de ce fait, sont les premiers à éclairer la population sur l'état de la situation. Les renseignements qu'ils fournissent ont une diffusion très large et doivent contribuer à paiser les craintes du public en dirigeant son attention vers des activités constructives. En s'impliquant lors de séismes importants, les séismologues participent au processus de retour à la normale des populations affectées.
Bibliographie.
Lamontagne, M., (1991a). Les tremblements de terre au Québec. Collection Environnement et Géologie, Volume 12, Bouchard, M.A., Bérard, J. et Delisle, C.E., eds. Association professionnelle des géologues et géophysiciens du Québec.
Lamontagne, M., R. Du Berger et A.E. Stevens (1991b) Secousses sismiques et chocs psychologiques: une double tâche pour les sismologues. Revue de la protection civile, Vol. 18, no. 4, 17-20.
Lamontagne, M., Du Berger, R., Stevens, A.E. (1992) Seismologists can help attenuate post-earthquake public vibrations. Earthquake Spectra, Vol. 8, no. 4, 573-594.